RÉPONSE CIRCONSTANCIÉE

RÉPONSE CIRCONSTANCIÉE

Chère marquise, figurez-vous que je viens de recevoir un courrier au sujet du concours dont nous avons causé précédemment. Je me suis empressé d’y répondre et je vous le reproduis in extenso, assorti de mes réponses (en italiques) :

 » À l’attention de l’allègre érudit Jean-Christophe SALADIN, inspirateur du Grand Tournoi de Déclamation du 21 mars 2019 autour de l’exorde du truculent Éloge de la Folie du bon Érasme (Sorbonne, amphi Descartes) Maître,

Maître,

Appelez-moi Doctor Saladinus Parrhisiensis, en toute simplicité (DSP pour les intimes).

Concernant l’entrée en la lice déclamatoire sorbonnarde du 21 mars autour de l’exorde de l’éclatant Éloge de la Folie du prince des humanistes, j’aurais ici, humble prétendant, un boisseau d’ingénues questions à soumettre à Votre Illustre Joyeuseté, avant que de déposer à ses très éminents pieds quelque agreste candidature à cette Joute oratoire inespérée.

Déposez, déposez !


Voici, en treze prudes, chastes et vivifiants points, la chose :

  • POINT 1 :   il semble que, pour cette épreuve déclamatoire, il n’y ait que cinq traductions en français qui soient aimablement proposées aux postulants — et non pas dix, comme cela est annoncé dans l’humble et néanmoins affriolante présentation de cette plaisante escarmouche sorbonnarde.
  • C’est exact, cela m’avait échappé. De fait, nous avons réduit à cinq par crainte que les candidats flemmards ne soient rebutés par le nombre de textes à lire (à supposer qu’ils sachent lire). Initialement, j’en avais prévu 22. C’est dire !
  • POINT 2 :   afin de se conformer à l’annonce faite aux émules, les bretteurs sont-ils fondés à retenir d’autres traductions pour atteindre le nombre parfait de dix·?
  • Absolument fondés.
  • POINT 3 :   la procédure d’inscription invite par ailleurs les quémandeurs à délivrer quelque aguichant fichier audio ou vidéo. Et nous serions ravis ici de connaître les fins de la chose ? Ces enregistrements seront-ils exploités à quelque sibyllin dessein, afin de séparer, en silence en secret et en amont, le bon grain de l’ivraie (Ξεχωρίζω τη ήρα από το στάρι) — sans autre forme de procès·?
  • On n’invite pas, on propose. C’est simplement une possibilité que nous offrons à ceux qui ne peuvent (ou ne veulent) se déplacer à Paris.
  • POINT 4 :   les quêteux externes — ni pensionnaires ni sociétaires de la Sorbonne — seront-ils, quant à eux, méprisés et niés ?
  • Bien au contraire, ils seront bienvenus et choyés.
  • POINT 5 :   les roquentins, les handicapés, les piteux escholiers de Province, les niais, les folz, les miséreux et les sots & sottes sont-ils tolérés ?
  • Absolument, sous réserve de ne pas troubler l’ordre public au-delà des limites d’usage (j’ai quelques souvenirs de Mai 68).
  • POINT 6 :   les sophistes fort éloignés de Paris seront-ils invités à venir à dos d’âne et à l’envers se soumettre à la monumentale et horrificque présélection du 23 de février ? Soit un voyage initiatique édifiant de près de trente gaillardes journées pour votre Serviteur chétif tapi en la reculée Lugudunum, capitale des Trois Gaules.  
  • Voir la réponse au point 3
  • POINT 7 :   les prétendants au trône peuvent-ils venir déclamer à l’ancienne, à la manière des grands rhétoriqueurs — en hommage à Pierre Gringore et ses fidèles compagnons Maistre Mitou, Jean Seroc, Jean de l’Espine, Jacques le Bazochien et Maître Cruche ?
  • Bien sûr ! 
  • POINT 8 :   le pontifiant matamore peut-il proférer l’exorde de l’Éloge déjà affublé du bonnet à grelots — Prix du public, certes, mais non dédicacé, bien sûr ?
  • Tout-à-fait !
  • POINT 9 :   le vil harangueur de foules est-il bienvenu à ce tournoi 
  • Affirmatif ! 
  • ou bien y sera-t-il traité comme un coquin, un fâcheux, un scélérat à lacérer et écarteler vif ?
  • En aucun cas ! Il faudra d’abord me passer sur le corps.
  • POINT 10 :   le disputeur est-il autorisé à se fourvoyer avec honneur pendant la Joute en débitant naïvement, en allemand d’avant la Réforme, en bas latin ou en français de la fin du XVe siècle, l’illustre Prologue* de Daß Narrenschyff ad Narragoniam (1494) du retentissant Sebastian BRANT — Navis stultifera mortalium (1497) ou La Nef des folz du monde (1497) —, en lieu et place du sublime exorde du Μωρίας ἐγκώμιον – Stultitiæ laus du bon Érasme (1509) ?   * « Viel Narren und Toren kommen drein. / Des fous et des insensés j’ai ici fait le portrait. »
  • Il n’y est pas autorisé pour concourir, mais on lui en laissera la latitude « hors compétition ».
  • POINT 11 :   enfin, la subreptice et bourrue offensive d’étrillage du 23 février ne risque-t-elle pas de déflorer l’éblouissante Joute du 21 mars, réduisant alors à néant des milliers d’heures d’un travail prodigieux, quoique futile ?
  • Nous ne pouvons pas raisonnablement faire passer les milliers de compétiteurs (que nous aurons sans aucun doute) le soir du 21 mars. La sélection est prévue pour le cas où le nombre des candidats serait trop élevé, de façon à ne garder qu’une dizaine de finalistes pour le Grand Soir.
  • POINT 12 :   lors de cette grandiose ferrade du deuxième mois du calendrier grégorien, mois des purifications, l’ardent hâbleur pourra-t-il, pour éviter de ternir et flétrir le Grand Tournoi, tenter de psalmodier un autre texte — par exemple celui de Sebastian Brant ou un glorieux propos de Michault le Caron, d’Antoine de La Sale, de Regnaud le Queux ou de François de Montcorbier·?
  • Voir réponse au point 10.
  • POINT 13 :   pour finir, comment résister à la tentation de taquiner ici le correcteur Saladin en personne ! usant, non sans panache, dans sa superbe et espiègle apostrophe au peuple des rhéteurs, de la graphie « seul-en-scèniste », là où le génie de la langue française plaiderait pourtant sans réserve en faveur de « seul-en-scéniste » !
  • Oui, oui, certes, il est vrai, on peut en convenir.

Au plaisir de cet Éloge

et des sublimes Adages, bien sûr

Enkii

Au plaisir de vous rencontrer le 21 mars, 

DSP

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