L’ENFERMEMENT DANS L’ÉCRIT (L’ENFER DE L’ORTHOGRAPHE ?)

L’ENFERMEMENT DANS L’ÉCRIT (L’ENFER DE L’ORTHOGRAPHE ?)

Moi (toujours doctoral) : Les Anciens pensaient fort justement que l’écrit dérivait de l’oral, et ils ne voyaient dans l’écriture qu’une parole fixée. Qu’en pensez-vous, ma chère ?

La Marquise : Mon cher, cela me semble frappé au coin du bon sens.

Moi : Mais cela devrait inspirer de la modestie aux inventeurs d’écriture, surtout lorsqu’ils se veulent aussi les défenseurs du peuple.

La Marquise : L’Enfer serait-il une fois encore pavé de bonnes intentions ?

Moi : Je le crains fort. Je viens de lire cette revendication, extraite du « communiqué commun » du mouvement anti-aéroport publié au lendemain de la décision du gouvernement d’abandonner le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes :

« La nécessité pour les paysan-ne-s et habitant-e-s expropriés de pouvoir recouvrer pleinement leurs droits au plus vite »

La Marquise : Diantre ! Je consulte mon Bescherelle et je constate illico que ces malheureux ont laissé « expropriés » au masculin, au lieu de suivre leur nouvelle règle, qui aurait imposé fort féministement : « exproprié-e-s ».

Moi : Hé oui ! À se démener pour trouver une écriture « transgenre » quelque peu tortueuse, ils (elles ?) ont laissé ce pauvre participe passé, à forte valeur adjective, au masculin !

La Marquise : C’était bien la peine de descendre dans la rue pour réclamer le droit à l’avortement ou l’égalité des salaires des femmes ! J’ai de la peine pour tous les gens qui n’arrivent déjà pas à accorder les adjectifs selon les anciennes règles.

Moi : Et comment s’y prendre pour proclamer cette revendication à voix haute (au mégaphone par exemple) ?

La Marquise : À trop battre le tapis, on finit par s’y prendre les pieds (proverbe arabe).

2 Commentaires
  • Etchebeheïty
    Posted at 12:15h, 26 janvier Répondre

    Certaines ont bien prouvé qu’ y a de meilleures façons pour les femmes d’être visibles, sans compliquer la vie des utilisateurs de la langue française, écrite et parlée, car comment prononcer ces étrangetés dans un discours ? J’attends les solutions de Rhétorik’art avec gourmandise ! Par ailleurs, pourquoi vouloir rejeter les « droits de l’Homme », formule parfaitement inclusive et noble, à mon sens ? Encore faut-il savoir ce que ce mot veut dire…

  • La Marquise
    Posted at 13:02h, 26 janvier Répondre

    Tout juste, ma chère ! « Encore faut-il savoir ce que les mots veulent dire. » Comment le savoir ? C’est délicat, car éminemment variable. Ainsi, je me suis fait censurer un titre dans un livre que j’ai récemment publié (Les grandes religions pour les nuls). Je vous raconte : Il s’agissait de nommer un chapitre racontant les débuts du christianisme. Je propose un titre qui me semble riche de signification : « De la secte juive à la religion d’État ». l’éditeur me signale vertement que le mot « secte » a un sens péjoratif et qu’il ne veut pas que les potentiels lecteurs catholiques se sentent critiqués. Il a raison sur le premier point, mais je pense qu’il se fourre le doigt dans l’œil sur le second. En effet, les premiers chrétiens se considéraient eux-mêmes comme une secte juive, car à l’époque, on nommait « secta » (« hérésis » en grec) toutes les écoles philosophiques ou religions qui proliféraient en Orient. De plus, nos amis anglo-saxons, surtout ceux qui ont lu attentivement Max Weber, savent qu’il existe deux tendances dans toute religion : Une tendance « bureaucratique » qui la pousse à devenir un appareil d’État s’imposant à tout le monde (au prix de pas mal d’accommodements), et à vendre le salut à qui veut bien l’acheter ; et une tendance opposée, absolument sectaire, qui pousse à s’isoler du monde (sectare = se couper) et à se fabriquer le salut entre soi (quelques élus triés sur le volet). J’espère ne pas avoir été trop pontifiant. À suivre donc, et bonne année à toutes et à tous (à tous-tes ?)

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