LAZZI

LAZZI

La réponse ne s’est pas fait attendre. Dès mardi, notre metteur en scène m’a envoyé le message suivant :

« Super — au passage, il est peut-être bon de nuancer les propos de M. Reese en précisant que si certains comédiens anglais (et français) ne comprennent pas le texte qu’ils disent, c’est un exemple qu’il vaut peut-être mieux ne pas suivre 😉 »

— Difficile de ne pas être d’accord avec toi, Baptiste !

— En attendant, dit la Marquise, je crois que je commence à comprendre : un texte « fluide », c’est par exemple les alexandrins de Victor Hugo, d’Edmond Rostand ou de Racine ?

— Oui. Si on connaît le premier vers, on peut pratiquement débiter toute la pièce, surtout avec les rimes. Ce n’était pas le cas dans notre Hamlet. C’est pourquoi, notre bien-aimé metteur en scène, quand il était à bout d’arguments, nous disait : « Même si vous ne comprenez pas ce que vous dites, le public doit comprendre ! Débrouillez-vous ! »

Ce qui voulait dire, me semble-t-il, que le ton, les attitudes, gestes, postures et autres grimaces ont autant d’importance que le texte lui-même, voire plus. C’est ce que les jargonneux modernes nomment le « non-verbal ».

En fait, c’est la vieille technique de la comédie italienne. Quelques années après Shakespeare, le célèbre comédien italien Luigi Riccoboni écrivait au chapitre 6 de son Histoire du Théâtre italien : « Scapin commence un grand discours pour consoler la pauvre Flaminia qui se lamente parce qu’Arlequin veut l’abandonner. Pendant ce temps, Arlequin fait semblant de trouver des cerises dans son chapeau, de les manger et d’en jeter les noyaux sur Scapin, ou bien il fait mine d’attraper une mouche qui vole, de lui arracher les ailes et de la manger. Voilà le jeu de théâtre qu’on appelle lazzi. Ces lazzi interrompent toujours le discours de Scapin, mais en même temps ils lui donnent l’occasion de le reprendre avec plus de vigueur. »

— Oui, bien sûr, mais qui est ce beau jeune homme, sur la photo ?

— C’est notre bien-aimé metteur en scène (il faut toujours flatter les metteurs en scène, surtout s’ils sont bons, sans quoi ils se dépriment et deviennent incapables de diriger leurs acteurs), le beau Baptiste Belleudy.

— Mais là, on dirait qu’il joue la comédie ?

— Absolument ! Il joue Hamlet, prince du Danemark simulant la folie, et derrière lui, son fidèle camarade Horatio !

— Pas possible ! Il jouait Hamlet, mettait en scène et traduisait lui-même la pièce ? C’est un exploit ! Il paraît que le texte d’Hamlet est à lui seul plus long que celui de tous les autres personnages réunis !

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