LA MANIE DU STYLE ÉLEVÉ

LA MANIE DU STYLE ÉLEVÉ

— Pourquoi faut-il qu’ils ajoutent sans cesse des mots inutiles ?

La Marquise : Qui donc ?

Moi : Les présentateurs de la radio et de la télévision.

La Marquise : Vous allez encore dire du mal de quelqu’un, je parie ?

Moi : Pas plus tard que ce matin, j’entends sur France Inter le très professionnel Augustin Trapenard en train d’interviewer les comédiens du film Petit Paysan. Il les complimente sur leur talent et dit : « Ce qui me frappe, effectivement, chez vous deux, comédiens de ce film, c’est […] l’assurance des gestes qui sont les vôtres. »

La Marquise : D’accord, « effectivement » n’était peut-être pas nécessaire. Tic tellement répandu, sans doute par peur du silence. La phrase aurait été tout aussi convaincante — plus convaincante, même — sans ce mot parasite.

Moi : Absolument ! Comme disait l’autre : « La brièveté est la mère de l’éloquence. »

La Marquise : Qui a dit cela ?

Moi : Je ne sais plus, Cicéron, sûrement.

La Marquise : Ah non ! C’est Colette, expliquant au jeune Simenon qu’il faut éliminer de ses livres tous les mots qui ne sont pas indispensables à l’intrigue.

Moi : Nous y voilà ! Le brave Trapenard a trouvé chic de dire : « l’assurance des gestes qui sont les vôtres ». Pourquoi n’a-t-il pas simplement dit : « l’assurance de vos gestes » ?

La Marquise : C’est parce que quatre mots (formant subordonnée relative, une paille !) c’est mieux qu’un seul, le banal « de ».

Moi : Diagnostic : il a cru que cela serait plus élogieux pour ses invités. Ajouter des mots inutiles, c’est un peu comme ajouter des bijoux sans s’apercevoir qu’ils sont en plaqué.

La Marquise : Détail amusant, je crois avoir entendu le président de la République tomber dans le même travers.

 

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